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18/04/2024

Comprendre le succès des plantes envahissantes grâce au rassemblement communautaire


Urmi Poddar parle de son article ‘Assemblage successoral similaire basé sur des traits chez les plantes indigènes et introduites malgré les différences entre les espèces.’

Une photo du site d’étude de succession Buell-Small en 2005, montrant dans un sous-étage principalement des échasses japonaises (Micro-toit en osier). Crédit photo : Scott Meiners.

Arrière-plan

Les espèces envahissantes constituent l’une des principales menaces pour la biodiversité. Ces espèces ont tendance à s’emparer des communautés naturelles, entraînant le déplacement d’espèces indigènes, une perte de biodiversité et une perturbation des fonctions des écosystèmes. Mais toutes les espèces introduites ne sont pas nuisibles. En fait, la plupart d’entre eux ne deviennent pas envahissants et coexistent avec des espèces indigènes. Alors, comment certaines espèces introduites deviennent-elles si dominantes et nuisibles ? Et comment les autres coexistent-ils avec les communautés autochtones ? Telles sont les questions auxquelles nous avons tenté de répondre dans notre étude.

La réponse aux questions mentionnées ci-dessus réside peut-être dans les processus d’assemblage des communautés d’espèces introduites. La théorie de l’assemblage communautaire est la branche de l’écologie qui étudie la formation des communautés écologiques et les processus écologiques impliqués dans celles-ci. Il vise à comprendre les facteurs qui déterminent quelles espèces sont présentes dans une communauté et ce qui rend certaines espèces plus abondantes que d’autres. Une idée de la théorie de l’assemblage communautaire, appelée filtrage environnemental, suggère que l’environnement « sélectionne » des espèces présentant des caractéristiques spécifiques. Autrement dit, seules les espèces possédant les traits et caractéristiques nécessaires pour survivre dans l’environnement local seront présentes dans la zone locale. De même, les espèces présentant les caractéristiques les plus favorables pour un environnement donné seront les plus abondantes. Étant donné que l’environnement ne peut pas faire la distinction entre les espèces indigènes et introduites, on pourrait s’attendre à ce que les espèces hautement envahissantes aient des caractéristiques similaires à celles des espèces indigènes les plus dominantes. De même, les espèces introduites non invasives devraient avoir des caractéristiques similaires à celles des espèces indigènes moyennes. Mais est-ce vraiment le cas ? C’est ce que nous avons essayé de découvrir !

Système d’étude

Pour tester si les espèces indigènes et introduites présentent des signatures similaires de filtrage environnemental, nous nous sommes tournés vers les données d’une étude à long terme appelée étude de succession Buell-Small. Située dans le New Jersey, aux États-Unis, cette étude se compose d’anciens champs agricoles délibérément abandonnés dans les années 1950-1960, laissant la nature reprendre le dessus. Des études comme celles-ci donnent aux chercheurs l’occasion d’observer comment les communautés végétales se forment et comment elles repoussent après une perturbation. Dans ce cas, les champs ont commencé avec principalement des graminées et des plantes herbacées, pour ensuite passer à des communautés dominées par des arbustes, puis à de jeunes forêts dominées par des arbres. Dans le même temps, les espèces envahissantes et introduites ont persisté tout au long de la période d’étude, différentes espèces apparaissant et devenant dominantes à différents moments. Ces changements au fil du temps dans les communautés végétales indigènes et introduites nous ont permis d’identifier les processus d’assemblage agissant sur les deux.

Une photo du site de l’étude de succession Buell-Small en 2021, avec des arbustes et des vignes envahissants au premier plan. Crédit photo : Scott Meiners.

L’étude

Le filtrage environnemental peut être étudié en examinant la relation entre les traits des espèces et leur abondance au sein d’une communauté. Si les espèces indigènes et introduites sont confrontées à un filtrage environnemental similaire, elles devraient alors présenter des relations similaires entre leurs caractéristiques et leur abondance. Nous avons testé si c’était effectivement le cas.

Nous avons constaté que la plupart des espèces introduites présentent effectivement des relations traits-abondance similaires à celles des espèces indigènes, mais pas les espèces hautement envahissantes ! Ces derniers semblaient « tromper » les filtres environnementaux, montrant des abondances bien supérieures à ce à quoi on pourrait s’attendre en fonction de leurs caractéristiques.

Comment les espèces envahissantes « trompent-elles » les filtres environnementaux ? Une des raisons pourrait être que ces espèces envahissantes possèdent des caractéristiques uniques que l’on ne retrouve pas parmi les espèces indigènes, ce qui leur confère un avantage « injuste ». Par exemple, l’échasses japonaise (Micro-toit en osier), l’espèce envahissante la plus dominante dans notre site d’étude, est connue pour être résistante à l’herbivorie du cerf. Le surpâturage des cerfs constitue un problème majeur dans les forêts du nord-est des États-Unis. En conséquence, de nombreuses populations de plantes indigènes dans ces forêts sont en déclin. Ainsi, la résistance aux cerfs pourrait donner à l’échasses japonaise un avantage majeur par rapport aux plantes indigènes, lui permettant de pousser face aux herbivores des cerfs. Nous n’avons pas inclus la tolérance aux herbivores dans cette étude et l’avantage résultant de ce trait n’a donc pas pu être pris en compte dans notre étude. Une autre possibilité est que ces espèces puissent compenser leur mauvaise adaptation à l’environnement par une forte dispersion. Ces possibilités doivent être étudiées plus en détail. Néanmoins, notre étude constitue la première étape vers une meilleure compréhension des espèces envahissantes à l’aide de la théorie de l’assemblage communautaire.





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