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12/12/2023

Architectes sous-marins : « l’effet fouisseur » des foraminifères sur les milieux marins


Le Dr Dewi Langlet, scientifique à l’unité d’évolution, de biologie cellulaire et de symbiose de l’Institut des sciences et technologies d’Okinawa (OIST), étudie les foraminifères, des organismes unicellulaires dotés de coquilles en carbonate de calcium. Lui et ses collaborateurs ont montré pour la première fois que l’enfouissement d’organismes unicellulaires dans les écosystèmes marins affecte la distribution de l’oxygène et la diversité bactérienne dans les sédiments marins. Leurs conclusions ont été publiées dans la revue Biogéosciences.

Les foraminifères sont pour la plupart des organismes marins qui existent depuis environ 550 millions d’années et lorsqu’ils meurent, leurs coquilles s’accumulent au fond de l’océan et font partie des sédiments océaniques.

Bien qu’il s’agisse d’organismes microscopiques (entre 63 et 500 micromètres de diamètre), ils restent « gros » par rapport aux autres organismes unicellulaires, chaque espèce ayant une forme unique. Ils vivent et sont abondants dans tous les sédiments marins, des estuaires aux grands fonds.

Les géologues les étudient depuis longtemps car leurs coquilles peuvent se fossiliser, mais on ne sait pas grand-chose de leur biologie. Le Dr Langlet tente de comprendre comment ils se déplacent dans les sédiments et comment cela affecte l’ensemble de l’écosystème des fonds marins.

La bioturbation se produit lorsque des organismes perturbent les sédiments en s’y déplaçant et en créant des terriers, ce qui affecte le mélange des particules de sédiments. Cela affecte la taille des particules, régule l’eau à travers les sédiments et modifie la composition chimique des sédiments.

Les bioturbateurs, souvent appelés « cultivateurs du sol », jouent un rôle important dans la détermination de la disponibilité des nutriments et dans la fourniture de nourriture et d’abri à de nombreuses espèces. Ils contribuent également de manière significative à de nombreux processus et résultats naturels, collectivement appelés « services écosystémiques », dont nous, les humains, bénéficions grandement.

« En règle générale, à la surface des sédiments marins, l’oxygène est consommé par les organismes vivant dans les sédiments, et l’oxygène diminue progressivement à mesure que l’on avance en profondeur. Nous avons posé la question : « Les foraminifères affectent-ils la distribution de l’oxygène dans les sédiments lorsqu’ils se déplacent ou lorsqu’ils se déplacent ? ils créent des terriers ? », a déclaré le Dr Langlet.

« On a longtemps émis l’hypothèse qu’ils affectaient l’oxygénation et la chimie des sédiments, mais cela n’a jamais été prouvé car ils sont si petits que leur impact est très difficile à détecter. » Des études antérieures ont montré que les organismes multicellulaires plus grands, tels que les vers, augmentent la pénétration de l’oxygène dans les sédiments en créant des terriers, mais cela n’a jamais été démontré pour les organismes unicellulaires tels que les foraminifères.

En créant des terriers, les foraminifères modifient l’ensemble de leur écosystème à petite échelle, leur permettant de vivre plus profondément dans les sédiments, là où il n’y a généralement pas d’oxygène. Les scientifiques montrent qu’en creusant, ils affectent non seulement l’oxygénation mais aussi la matière organique, la diversité bactérienne et, finalement, la quantité de nourriture disponible dans les sédiments.

Trouver suffisamment de foraminifères pour l’expérience était un défi. « Pour un grand aquarium, nous devons étudier de nombreux foraminifères et cela prend beaucoup de temps de les isoler pour savoir combien il y en a. Nous devons donc travailler avec de petites quantités de sédiments. Tout est question de miniaturisation, de travail avec de petits systèmes », explique le Dr. » expliqua Langlet.

L’effet de ces organismes sur leur environnement est relativement faible en raison de leur très petite taille. Les scientifiques avaient donc besoin d’instruments très précis, appelés microcapteurs, pour mesurer avec précision la répartition de l’oxygène dans les sédiments.

Dans son laboratoire de l’OIST, le Dr Langlet a travaillé avec de minuscules échantillons de sédiments, chacun mesurant environ 1 cm de large, placés dans un réservoir rempli d’eau. Il a ajouté des foraminifères à ces échantillons et a mesuré tous les quelques jours l’évolution des niveaux d’oxygène à différentes profondeurs. Il a découvert qu’avec leurs terriers, les foraminifères permettent à l’oxygène de pénétrer plus profondément dans les sédiments, augmentant ainsi la quantité d’oxygène de 15 à 20 pour cent. Cela entraîne une diminution de la matière organique, ce qui entraîne une réduction de l’abondance bactérienne, ce qui diminue finalement le mouvement de l’oxygène de l’eau vers les sédiments.

Les recherches futures du Dr Langlet exploreront les interactions entre les foraminifères et d’autres organismes de taille similaire, ainsi que des animaux plus gros comme les vers. « Les foraminifères interagissent-ils avec ces terriers créés par les vers ? Leur présence pourrait-elle potentiellement amplifier les effets de ces terriers ? » il demande. Ces questions guideront ses futures investigations.



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