Démêler les interactions complexes dans les écosystèmes des prairies à herbes hautes
Eric Duell, du Kansas Biological Survey & Center for Ecological Research, discute de son article : « Interactions mycorhiziennes-herbivores et libération compétitive d’espèces sous-dominantes de prairies à herbes hautes‘
Les prairies à herbes hautes du centre et de l’est de l’Amérique du Nord sont caractérisées par diverses communautés végétales composées de graminées et de plantes herbacées (souvent appelées fleurs sauvages ou feuillus) qui possèdent une variété de traits d’histoire de vie. Bien entendu, ces plantes ne fonctionnent pas en vase clos et interagissent constamment avec d’autres organismes, à la fois nuisibles et utiles. Dans nos travaux, nous avons exploré les interactions complexes entre les plantes, les microbes du sol et les herbivores dans les écosystèmes des prairies à herbes hautes. Ces relations, qui jouent un rôle crucial dans le maintien des communautés végétales et de la biodiversité, sont complexes et souvent difficiles à déchiffrer. Un groupe de microbes particulièrement important est celui des champignons mycorhiziens arbusculaires (AM) (Figure 1). En bref, les champignons AM fournissent aux plantes des nutriments difficiles d’accès, comme le phosphore. En échange, la plante fournit aux champignons AM du carbone sous forme de sucres produits lors de la photosynthèse. Notre étude visait à faire la lumière sur les interactions sous-explorées entre les herbivores aériens et souterrains et les champignons AM, qui sont essentiels à la santé des plantes et à la stabilité des écosystèmes.
Montage expérimental
Dans notre expérience, nous avons cultivé des communautés expérimentales de plantes de prairie à herbes hautes dans de grands conteneurs (~ 50 kg) remplis de sol de prairie stérile. Ceux-ci contenaient un assemblage de huit espèces de graminées et de plantes herbacées des prairies à herbes hautes. L’installation a été conçue pour tester diverses combinaisons : la moitié des conteneurs contenaient des champignons AM, l’autre moitié n’en contenait pas ; la moitié avait des nématodes indigènes se nourrissant de racines, l’autre moitié n’en avait pas ; et la moitié étaient herbivores de sauterelles, tandis que la moitié étaient exemptes d’herbivores aériens.
Nous avons soigneusement préparé le sol, en l’inoculant avec des spores fongiques AM et des communautés de nématodes pour recréer les conditions naturelles des prairies. Nous avons veillé à ce que les communautés microbiennes soient aussi proches que possible des conditions du terrain. Les plantes ont ensuite été introduites et autorisées à s’établir avant d’être soumises à des traitements herbivores.
Les sauterelles, en particulier la sauterelle à deux bandes (Melanoplus bivittatus); Figure 2), un herbivore invertébré commun dans les prairies à herbes hautes, ont été utilisées pour simuler l’herbivore aérien. Les effets de cet herbivore ont été étroitement surveillés, l’équipe mesurant les dommages causés aux feuilles et la santé globale des plantes.
Objectifs clés
Notre étude a examiné :
1) Les effets indépendants et interactifs des herbivores aériens et souterrains sur la symbiose AM.
2) Les effets de ces herbivores et champignons mycorhiziens sur la structure des communautés végétales.
3) L’influence de la réactivité mycorhizienne sur la tolérance des plantes aux herbivores et les changements qui en résultent dans la composition de la communauté végétale.
Résultats et implications
Les champignons AM en tant qu’acteur central : Les résultats ont souligné le rôle central des champignons AM dans les prairies à herbes hautes. La symbiose AM a influencé de manière significative la dominance de C4 graminées, comme le barbon (Andropogon gerardii) et l’herbe indienne (Le sorgho hoche la tête), ces graminées prospérant en présence de champignons AM et d’herbivores de sauterelles, mais pas en présence de nématodes. Cela suggère que les champignons AM aident C4 les graminées résistent mieux aux herbivores aériens que aux attaques souterraines.
Effets sur les herbivores : L’étude a révélé que les effets des herbivores étaient additifs et pourraient modifier la dynamique des communautés végétales. Par exemple, C3 les graminées ont montré une libération compétitive en l’absence de champignons AM, une tendance qui s’est inversée lorsque les sauterelles ont été introduites. Les plantes herbacées à larges feuilles, ou plantes herbacées à larges feuilles, ont présenté des réponses spécifiques à chaque espèce. Par exemple, un faux os (Brickellia eupatorioides), qui n’a pas de réponse positive forte aux champignons AM, a augmenté sa biomasse en l’absence de champignons AM et avec l’herbivorie des sauterelles, alors que les champignons AM ont augmenté la biomasse d’autres plantes herbacées comme la susan aux yeux noirs (Rudbeckia hirta) et sauge bleu azur (Salvia azurée) à moins que des sauterelles soient présentes.
Dynamique des interactions : Les interactions entre les champignons AM et les herbivores étaient complexes. L’herbivorie des sauterelles favorisait généralement la dominance des plantes dépendantes de l’AM, tandis que l’herbivore des nématodes la réduisait. Cela suggère que les herbivores aériens et souterrains affectent différemment les interactions plantes-microbes, avec des implications potentiellement significatives pour les efforts de gestion et de restauration des écosystèmes.
Importance de l’étude
Cette recherche est cruciale pour comprendre comment différents types d’herbivores et de champignons symbiotiques interagissent pour façonner les communautés végétales. Ces connaissances sont essentielles à la conservation et à la restauration des prairies à herbes hautes, qui comptent parmi les écosystèmes les plus menacés au monde. En élucidant les rôles de ces interactions, l’étude fournit des informations précieuses sur les mécanismes qui maintiennent la diversité végétale et la fonction des écosystèmes.
Les résultats soulignent l’importance de prendre en compte les interactions aériennes et souterraines dans la recherche et la gestion écologiques. Par exemple, les stratégies visant à améliorer la résilience des plantes dans les prairies pourraient impliquer de favoriser des relations fongiques bénéfiques avec la MA et de gérer les populations d’herbivores.
Directions futures
L’étude ouvre plusieurs pistes pour des recherches plus approfondies. L’étude des effets à long terme de ces interactions et de leurs réponses aux changements environnementaux, tels que le changement climatique ou les espèces envahissantes, pourrait fournir des informations plus approfondies sur la dynamique des écosystèmes. De plus, l’exploration d’interactions similaires dans d’autres écosystèmes peut aider à généraliser les résultats et à les appliquer dans différents contextes de conservation.
En conclusion, cette étude souligne la complexité et l’importance des interactions plantes-microbes-herbivores dans les prairies à herbes hautes. Il souligne la nécessité d’approches de gestion intégrée prenant en compte ces relations multiformes pour maintenir et restaurer des écosystèmes sains et résilients.