Les relations phylogénétiques influencent-elles les effets prioritaires chez les plantes des prairies ?
Julia Dieskau, de Université Martin Luther de Halle-Wittenbergdiscute de son article ‘Les relations phylogénétiques et le stade de vie des plantes, mais pas l’histoire biogéographique, médient les effets prioritaires des plantes des prairies européennes.‘
Arrière-plan
Quels facteurs déterminent la composition des communautés végétales ? De nombreux scientifiques ont exploré cette question sous différents angles au cours du siècle dernier. Malgré leurs efforts, il reste encore des aspects que nous ne comprenons pas pleinement. Récemment, l’attention s’est déplacée vers l’importance du moment et de l’ordre d’arrivée des espèces. Les espèces arrivées tôt pourraient bénéficier d’une longueur d’avance et exercer un effet prioritaire entravant la croissance des espèces arrivées tardivement, réduisant leur productivité, voire empêchant leur établissement. Nous émettons l’hypothèse que cet effet devrait être particulièrement prononcé parmi les espèces étroitement apparentées présentant des traits plus similaires et, par conséquent, une compétition plus forte. Cependant, cet effet peut être atténué par certains facteurs d’influence qui pourraient avoir contribué aux résultats contradictoires des études précédentes. Par exemple, des espèces qui ont coexisté pendant une longue période peuvent s’être adaptées les unes aux autres de telle manière que des espèces étroitement apparentées ne partagent pas autant de traits qu’on le suppose. De plus, les effets peuvent dépendre du stade de vie des espèces en interaction, car les semis possèdent des caractéristiques différentes de celles des plantes adultes.
L’étude
Pour mieux comprendre les effets prioritaires, nous avons mené une expérience en pot dans notre serre de recherche. Nous avons sélectionné des paires d’espèces dont le degré de parenté variait et qui avaient des origines identiques ou différentes. Pour créer des conditions plus réalistes et éviter de planter un seul individu de chaque espèce, nous avons décidé d’utiliser des caisses de 10 litres (avec des trous percés pour le drainage) du quincaillerie au lieu des pots traditionnels. Cela nous a permis d’établir des monocultures d’espèces précoces avec 12 individus par boîte. Après une phase d’implantation de quatre mois, nous avons semé dans ces caisses des espèces arrivées tardivement et analysé leur implantation et leur productivité.
Principales conclusions
Nous avons observé une compétition plus forte entre des espèces étroitement apparentées. Cela a été mis en évidence par une production réduite de biomasse aérienne chez les plantes adultes arrivant tardivement lorsque la distance phylogénétique était faible. Par conséquent, nous suggérons que la distance phylogénétique peut servir d’indicateur précieux de la dissimilarité des traits lorsque la mesure à forte intensité de main-d’œuvre d’un ensemble étendu de traits n’est pas réalisable. Cependant, étant donné les résultats variés des études antérieures sur le rôle de la parenté phylogénétique, nous pensons que cette relation peut dépendre de la situation. Par exemple, nos résultats ont peut-être été influencés par la compétition pour les éléments nutritifs considérablement plus forte dans notre expérience en serre par rapport à ce qui pourrait se produire en milieu naturel, car les plantes poussaient dans des pots à haute densité et sans fertilisation supplémentaire.
Quelle que soit la distance phylogénétique, l’origine de l’espèce n’a pas influencé l’importance de la parenté phylogénétique. Cela suggère qu’il n’y a peut-être pas eu d’adaptation des espèces sympatriques les unes aux autres, ou que cela n’était pas évident dans notre cadre expérimental.
De plus, nous n’avons pas trouvé de relation significative entre la force des effets prioritaires et la parenté phylogénétique dans les premiers stades de la vie, de l’émergence et de la survie des plantules. À notre avis, la dépendance de l’importance de la parenté phylogénétique sur le stade de vie des espèces en interaction met en évidence l’importance du moment et de l’ordre d’arrivée des espèces pour l’assemblage des communautés végétales. Parce que ces résultats peuvent également être pertinents pour la gestion des espèces envahissantes et les efforts de restauration, nous pensons que les effets prioritaires méritent encore plus d’attention dans les études futures.