La facilitation des herbiers marins et des huîtres est menacée dans les futures conditions océaniques

Fiona Ralph, du Bowdoin College, parle de son article : Les interactions changeantes entre les herbiers marins et les huîtres modifient la réponse des espèces au réchauffement et à l’acidification des océans
Le Pourquoi :
La zostère et les huîtres sont des espèces créatrices d’écosystèmes qui ont toutes deux une importance économique, écologique et culturelle dans le Maine. La zostère peuple une grande partie des zones subtidales côtières à sédiments mous de l’hémisphère Nord, où sont également cultivées la plupart des huîtres du monde. La zostère et les huîtres peuvent coexister dans la baie de Casco, par exemple.
Lorsqu’elles sont cultivées en coculture, les huîtres et les herbiers marins peuvent compenser les effets négatifs des facteurs de stress liés au climat les uns sur les autres. Ce phénomène, connu sous le nom de phytoremédiation, a également été observé dans d’autres espèces de mollusques et de plantes marines. Cela est probablement dû au fait que les mollusques ont besoin de carbonate de calcium pour construire leurs coquilles et que les plantes marines peuvent éliminer le dioxyde de carbone de la colonne d’eau. Étant donné que de grandes quantités de dioxyde de carbone peuvent inhiber la production de carbonate de calcium, les plantes marines peuvent, en théorie et en pratique, augmenter la croissance des coquilles des mollusques et autres organismes calcifiants.
Les changements océaniques mondiaux, notamment la hausse des températures de la mer et la diminution du pH, auront probablement un impact sur les interactions entre la zostère et les huîtres. À mesure que les températures des océans augmentent, les eaux côtières deviennent à la fois plus favorables à l’élevage des huîtres et moins favorables à la santé et à la survie des prairies de zostères. Les effets du déclin des herbiers de zostère et les avantages qu’ils procurent aux huîtres et à d’autres organismes sont actuellement inconnus.
Dans cette étude, nous avons cherché à explorer l’impact du changement océanique sur cette relation intéressante.

Le Comment :
Nous élevions des huîtres orientales (Crassostrea virginica) et la zostère (Marina sœur) ensemble ou indépendamment dans un système manipulé. Nous avons élevé nos sujets dans des mésocosmes à base de seaux remplis d’eau de mer. Nous avons simulé les conditions océaniques sur la côte du Maine en 2100 en chauffant ou en faisant barboter du CO.2 dans l’eau de mer. Nous avons passé notre été à surveiller les mésocosmes, à nettoyer les seaux et à prendre des mesures hebdomadaires de pH et de température. À la fin de l’été, nous avons collecté diverses mesures de croissance de la zostère et des huîtres, notamment la longueur des pousses, la densité des pousses, la biomasse souterraine et l’indice de condition.


Le Quoi :
La relation facilitatrice entre les huîtres et la zostère qui existe dans les conditions ambiantes (actuelles) est devenue confuse dans les conditions futures (température plus élevée et pH plus faible). Nous avons constaté que dans les conditions ambiantes, les deux partenaires bénéficiaient de la co-culture, mais que lorsqu’un futur facteur de stress océanique était ajouté, cette interaction positive était perdue, voire inversée.
Dans des conditions ambiantes, la présence d’huîtres a augmenté la croissance des feuilles de zostère de 35 % et la reproduction clonale (une façon de mesurer les changements dans la densité des prairies) de 38 %. Les huîtres exposées à la zostère dans des conditions ambiantes ont vu leur indice de condition diminuer : elles consacraient plus d’énergie à la croissance de la coquille qu’à la croissance des tissus.
Dans les conditions océaniques futures, avec des températures plus élevées et un pH plus faible, l’impact positif des huîtres sur la croissance de la zostère a disparu. Dans ces mêmes conditions, les huîtres ont vu leur indice de condition augmenter de 36 %, ce qui signifie qu’elles ont dépensé plus d’énergie pour développer leurs tissus.
Ces résultats illustrent à quel point les interactions entre espèces sont sensibles au changement environnemental global. Dans de nombreux cas comme celui-ci, les impacts du réchauffement et de l’acidification peuvent se cumuler et modifier ces relations.