Romain GouryUniversité Grenoble Alpes en France, revient sur son article : Changements récents de végétation dans les Alpes françaises : les gagnants sont plus nombreux que les perdantsen anglais et en français.
Lorsque nous nous promenons dans les montagnes, il est souvent facile de remarquer des plantes qui n’y étaient pas auparavant. Mais repérer ceux qui disparaissent tranquillement est une tâche bien plus difficile. Cela est particulièrement vrai dans les écosystèmes de haute altitude, où les forêts progressent lentement vers le haut, masquant le retrait d’espèces plus discrètes. C’est le défi que nous avons voulu relever dans notre étude visant à déterminer quelles plantes gagnent réellement du terrain dans les Alpes françaises et lesquelles en perdent.
Observer trente ans de changement
Pour répondre à cette question, nous nous sommes appuyés sur un large ensemble de données couvrant l’ensemble des Alpes françaises sur une période de trente ans. Notre objectif était double : identifier les espèces en croissance et celles en déclin, et déterminer si ces espèces partageaient des traits communs – par exemple, le taux de croissance, la tolérance à la température ou même les relations familiales.
La tâche n’était cependant pas simple. Contrairement à la surveillance standardisée, nos données sont basées sur des observations collectées avec des stratégies d’échantillonnage qui ont varié au cours des 30 dernières années. En d’autres termes, certaines zones ont été visitées de manière intensive, d’autres non, et chaque site n’a été visité qu’une seule fois. Il est donc impossible de tirer des conclusions directes sur les tendances des espèces.
Pour tenir compte de ces défis, nous avons utilisé une méthode statistique appelée FRESCALO. Cet algorithme corrige les biais spatiaux et temporels en regroupant les données en unités géographiques plus grandes. Il s’agit d’une étape clé pour effectuer des comparaisons significatives de l’évolution de la fréquence des espèces au fil du temps.
Gagnants, perdants… et le reste
Au cours des trois dernières décennies, les gagnants ont été plus nombreux que les perdants. Autour 31% des espèces a augmenté en fréquence, par rapport à 13% en déclin. En même temps, presque 30% des espèces présentent des changements plus difficiles à interpréter, avec des fréquences très variables dans le temps.
Alors qui sont ces « gagnants » ? Ils sont souvent espèce rudérale – des plantes qui prospèrent dans des environnements perturbés. Si vous empruntez une route de montagne en direction d’un col élevé, les graminées que vous apercevez au bord de la route sont de bons exemples de ce profil : des espèces opportunistes profitant au maximum des perturbations.
Un autre modèle clair concerne température. La plupart des espèces en hausse sont thermophilece qui signifie qu’ils sont adaptés aux conditions plus chaudes. Leur propagation semble refléter l’impact de la hausse des températures, particulièrement prononcée à haute altitude – même si cela n’a pas été directement testé dans notre étude. Enfin, les plantes avec un stratégie de croissance rapide semblent également faire partie des gagnants.
Ce que cela nous dit sur les montagnes de demain
Ces résultats mettent en évidence comment les écosystèmes de montagne subissent de profondes transformations sous l’influence conjuguée du changement climatique et de l’activité humaine. Les gagnants d’aujourd’hui – des espèces à croissance rapide, tolérantes aux perturbations et aimant la chaleur – remodèlent progressivement les paysages alpins. En revanche, d’autres espèces, moins compétitives ou vivant dans des habitats de plus en plus menacés, reculent lentement.
Les tendances que nous observons aujourd’hui vont probablement s’intensifier dans les décennies à venir. En comprenant dès maintenant ces trajectoires, nous pouvons non seulement anticiper les changements à venir, mais aussi commencer à réfléchir à la meilleure façon de préserver la diversité végétale de nos montagnes, en particulier la diversité des plantes adaptées aux écosystèmes plus froids, non perturbés et de haute altitude.
Quand les plantes gagnent (ou perdent) du terrain dans les Alpes Françaises
Romain GouryUniversité Grenoble Alpes (France), parle de son article: Changements récents de végétation dans les Alpes françaises : les gagnants sont plus nombreux que les perdants (Les changements récents de la végétation dans les Alpes Françaises révèlent que les gagnants sont plus nombreux que les perdants).
Lorsque nous nous promenons en montagne, il est assez facile de remarquer certaines plantes qui semblent plus présentes qu’autrefois. Mais repérer celles qui disparaissent peu à peu est souvent peine perdue. En particulier dans les écosystèmes de hautes altitudes, où la forêt s’étend discrètement vers des altitudes plus élevées, rendant invisible le recul de certaines espèces.
C’est ce challenge que nous voulions aborder dans notre étude afin de déterminer quelles plantes progressent vraiment dans les Alpes françaises, et lesquelles au contraire perdent du terrain.
Observer trente ans de changements
Pour répondre à cette question, nous avons utilisé une base de données importante couvrant l’ensemble des Alpes françaises sur une fenêtre temporelle de 30 années. L’objectif : repérer les espèces en hausse, celles en déclin, et comprendre si elles partagent certaines caractéristiques communes (par exemple leur vitesse de croissance, leur tolérance à la température ou encore leur appartenance à une même famille botanique).
Mais l’exercice n’était pas simple. Contrairement aux suivis standardisés, nos données proviennent majoritairement d’observations qui ont été récoltées avec des stratégies d’échantillonnage qui ont variées au cours des 30 dernières années. Autrement dit, certains territoires sont très bien inventoriés, d’autres beaucoup moins, et chaque site est inventorié une seule fois, ce qui empêche de tirer des tendances pour chaque espèce de manière directe.
Pour prendre en compte ces difficultés, nous avons utilisé une méthode statistique appelée FRESCALO. Cet algorithme permet de corriger les biais spatiaux et temporels en regroupant les données par zones géographiques plus larges. Une étape clé pour comparer l’évolution de la fréquence des espèces au fil du temps.
Les gagnantes, les perdantes… et les autres
Sur les trois dernières décennies, les espèces gagnantes sont plus nombreuses que les perdantes. Environ 31 % des espèces étudiées ont vu leur fréquence augmenter, contre 13 % en déclin. Néanmoins, près de 30 % des espèces montrent également des changements plus difficiles à interpréter clairement, avec de fortes variations de fréquence.
Qui sont donc ces espèces gagnantes ? Ce sont souvent des espèces rudéralesc’est-à-dire des plantes qui profitent des perturbations. Par exemple, si vous empruntez une route de montagne en direction d’un col, les espèces que vous croisez en bordure de route sont un bon exemple pour illustrer ce profil d’espèces profitant de perturbations.
Un facteur clé semble également se dégager : la température. Beaucoup d’espèces en expansion sont thermophilesautrement dit adaptées à des conditions qui se réchauffent. Leur progression semble illustrer l’effet de l’augmentation de la température, particulièrement marquée en haute altitude, bien que ceci n’ait pas été directement mis en évidence dans notre étude. Enfin, les plantes à croissance rapide semblent aussi mieux tirer leur épingle du jeu.
Ce que cela nous dit sur les montagnes de demain
Ces résultats montrent que les écosystèmes de montagne se transforment en profondeur sous l’effet du climat et des activités humaines. Les gagnantes d’aujourd’hui – avec une croissance rapide, tolérante aux perturbations et à la chaleur – redessinent progressivement les paysages alpins. À l’inverse, certaines espèces moins compétitives ou dont leur habitat devient menacé, reculent peu à peu.
Les tendances observées aujourd’hui pourraient s’accentuer dans les décennies à venir. Comprendre dès maintenant ces trajectoires nous permet non seulement de mieux anticiper les changements, mais aussi d’imaginer comment préserver la diversité végétale de nos montagnes, en particulier la diversité des plantes adaptées aux écosystèmes plus froids, non perturbés, de haute altitude.